Lettre ouverte par des associations qui travaillent auprès des migrants à Paris
9 mai 2016
L’évacuation, mercredi
4 mai au petit matin, du lycée Jean Jaurès dans le 19e occupé par un
peu moins de 300 migrants marque la limite des mesures engagées par l’Etat
pour accueillir les personnes fuyant leur pays, victimes de la guerre et de
l’extrême pauvreté.
Face à une présence policière massive et aux menaces de placement de
certains migrants en centre de rétention, la plupart des associations et
opérateurs sociaux présents sur place ont refusé de participer à une opération
mal préparée, qui ne présentait pas les
conditions minimales de respect des droits fondamentaux et de la dignité des
personnes. Une situation consternante et d’autant plus
surprenante que les acteurs de la solidarité se sont engagés depuis plusieurs
mois, dans un climat de confiance avec les pouvoirs publics, à héberger et à
accompagner vers l’asile les personnes en sortie de campement dans la capitale.
L’action des associations et acteurs de solidarité est guidée par des
principes intangibles d’accueil humanitaire inconditionnel et d’accompagnement
social, incompatibles avec le tri des personnes, les pressions policières et
les menaces de mesures de reconduite à la frontière. Nous demandons au gouvernement de réaffirmer ces principes et de
respecter ses engagements humanitaires et internationaux à l’égard de tous les
migrants présents sur le territoire, à Paris comme à Calais.
Malgré les nombreuses places créées en Ile-de-France depuis plusieurs mois
pour héberger les migrants, la pénurie constante d’hébergement est source de
fortes tensions.
Pour sortir de la crise, nous demandons un plan d’urgence national
interministériel, concerté avec les associations, articulé
autour de plusieurs principes :
·
Répondre à la pénurie de capacités d’accueil par une
mobilisation massive et rapide de logements sociaux ou privés à vocation
sociale et l’ouverture de centres d’hébergement et d’accompagnement sur l’ensemble du
territoire national. Mobiliser tous les bâtiments publics disponibles et
adaptés à un accueil digne, y compris via la réquisition. Ces réponses et
ouvertures doivent s’articuler avec les 115 et les SIAO pour éviter la concurrence entre les publics à la rue et
« desserrer » la pression en l’Ile-de-France. Nous demandons
également une mission d’observation et d’évaluation des besoins des migrants
présents en campement pour mieux connaître leur parcours, leur situation et
adapter les solutions.
·
Accélérer et amplifier les ouvertures de CADA et de
centre provisoires d’hébergement pour les réfugiés afin de fluidifier les
sorties d’hébergement temporaire et de campements.
·
Réduire les délais d’attente en préfecture pour l’admission au
séjour au titre de l’asile, en application de la loi.
·
Renforcer l’intervention des maraudes sociales pour éviter la
constitution et surtout le grossissement des campements et compléter l’action
de celles-ci par des accueils de jour spécialisés.
·
Engager une politique nationale volontariste
d’intégration des réfugiés par la mobilisation des services publics et des
associations sur l’accès aux droits sociaux, aux soins, l’apprentissage du
français, la scolarisation des enfants, l’accès au logement, la formation
professionnelle et l’accès à l’emploi.
L’Etat a annoncé l’arrivée en France d’environ 800 personnes migrantes par mois dans le cadre du plan de relocalisation européen. Pour respecter cet engagement que nous soutenons, la mise en œuvre de ce plan est d’une urgente nécessité.
Signataires :
- FNARS (Fédération nationale des associations d’accueil et de réinsertion sociale)
- Fondation Abbé Pierre
- France Terre d’Asile
- Association Aurore
- Samusocial de Paris
- Fondation Armée du Salut
- Groupe SOS
- Emmaüs Solidarité
- Coallia