Communiqué LDH
Paris, le 16 octobre 2015
Contrôle au faciès : ce gouvernement
veut-il vraiment lutter contre le racisme ?
La
décision du gouvernement de se pourvoir en cassation contre l’arrêt de
la cour d’appel de Paris qui a condamné, partiellement, l’Etat pour des
contrôles aux faciès n’est pas admissible.
Elle
signifie que les pouvoirs publics contestent maintenant ce qu’ils
avaient admis lors de la campagne électorale et la soumission du
gouvernement à certaines formes de pratiques policières.
Ce
recours est le pire signe que le gouvernement pouvait lancer en
direction des populations victimes de cette discrimination. On ne peut à
la fois prétendre lutter contre le racisme et se satisfaire de ces
pratiques dénoncées de tout bord.
En
agissant ainsi, le Premier ministre démontre un peu plus le peu de cas
qu’il fait des libertés publiques et de la cohésion sociale au profit
d’un autoritarisme inutile.
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L’Etat entend contester cinq arrêts de la cour d’Appel de Paris le condamnant pour « faute lourde »
(Paris,
le 16 octobre 2015) Le Premier ministre a décidé de contester les
décisions de la Cour d’appel de Paris, condamnant l’Etat pour
discrimination à l’encontre de cinq jeunes hommes contrôlés par la
police sur la base de leur origine. Le pourvoi en cassation introduit
par l’Etat reflète le choix inacceptable du gouvernement de laisser
perdurer les contrôles dits « au faciès », au rebours des engagements du
candidat Hollande.
Dans
cette procédure en justice, où treize jeunes hommes se plaignaient de
contrôles au faciès, l’Etat n’a reculé devant rien, allant jusqu’à
prétendre que les règles d’égalité et de la non-discrimination ne
s’appliquaient pas aux forces de l’ordre.
La
cour n’a heureusement pas suivi cette défense absurde et a rappelé
l’évidence : les actions policières doivent être menées dans le respect
des principes de non discrimination. Dans cinq cas, la Cour a constaté
l’existence d’un contrôle discriminatoire : ces décisions sont
historiques.
Pour
la première fois, l’Etat a été condamné par la justice pour des
contrôles d’identité au faciès. La Cour a rappelé que l’État est tenu de
prendre toutes les mesures nécessaires pour prévenir les
discriminations, obligation qu’il n’a pas respectée. Elle a également
considéré que l’absence de remise d’un récépissé après un contrôle
d’identité empêche les victimes d'avoir un recours efficace en cas de
discrimination ou d’abus et que le rôle de la police est d’exercer ses
missions sur des bases objectives et non selon des critères ethniques ou
physiques.
Cette
position est également celle du Défenseur des droits qui a en effet
affirmé, dans un avis de février 2015 et en soutien aux plaignants à la
procédure, qu’il est nécessaire d’encadrer davantage les pratiques de
contrôles, de sorte que tout contrôle soit basé sur des critères
objectifs, et non sur le « ressenti » ou l’ « instinct » des agents trop
souvent invoqués pour masquer des stéréotypes discriminatoires.
Plutôt
que de contester des décisions qui le mettent en cause, le
gouvernement devrait tirer les conséquences de ces décisions en
introduisant un système de récépissé des contrôles et en modifiant le
cadre législatif qui permet les contrôles (l’article 78-2 du Code de
procédure pénale) afin d’autoriser uniquement des contrôles fondés sur
des critères objectifs.
L’option
prise par le gouvernement est d’autant plus choquante que la lutte
contre le racisme est la grande cause nationale de 2015. Le Président
de la République a ainsi rappelé dans son discours au camp des Milles
(Bouches-du-Rhône) que « la République ne connaît pas de races ni de couleurs de peau […]
Elle ne connaît pas de communautés. Elle ne connait que des citoyens
libres et égaux en droit. Ce principe n’est pas négociable et ne le sera
jamais ». Ce beau discours cache mal le cynisme d’un Etat qui reste dans le déni des contrôles au faciès en France.
Au-delà
de leur impact dévastateur sur les personnes contrôlées, les
contrôles au faciès contribuent à nourrir et renforcer les stéréotypes
et les préjugés qu’une partie de la société peut avoir à l’égard de ceux
qui en sont la cible. Comment combattre le racisme et les
discriminations lorsque ce sont les représentants de l’Etat qui agissent
sous l’influence de stéréotypes ?
Selon un de leurs avocats, maître Slim Ben Achour, « Les
personnes à l’origine des dossiers judiciaires avaient donc raison :
bien que personne n’ait rien à leur reprocher, elles sont bien
considérées comme des citoyens de seconde zone ».
Les
organisations signataires déplorent la décision de l’Etat de se
pourvoir en cassation. Elles demandent au gouvernement de revoir sa
position, et appellent les plus hautes autorités à mettre enfin un terme
au scandale des contrôles au faciès.
Eclore, Gisti, Ligue des droits de l’Homme, Maison pour un développement solidaire, Open Society Justice Initiative, Pazapas Belleville, Syndicat des avocats de France, Syndicat de la magistrature